Le 24 mai 2023, padoa a organisé lors du salon Préventica Paris une table ronde sur le sujet : Vous trouverez ci-dessous les échanges. |
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Alicia Gayout
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Je suis Alicia Gayout, Responsable produit de l'équipe médical et maintien en emploi chez padoa et j’ai la chance d'accueillir aujourd'hui quatre expertes du maintien en emploi, venues d'horizons variés pour aborder ce sujet :
- Docteur Ana Escobar, médecin coordinateur et référent Prévention de la Désinsertion Professionnelle à l’APST 18 dans le Cher ;
- Docteur Esther Szwarc, médecin coordinateur à l’OPSAT et maître de conférence associée à l’Université Bourgogne-Franche-Comté ;
- Mme Laëtitia Lefas, directrice RH chez In’li, qui fait partie du groupe Action Logement ;
- Mme Sabrina Messara, coordinatrice du département Maintien en Emploi du CMIE-SEST-AMETIF à Paris.
La prévention de la désinsertion professionnelle, c'est un enjeu sociétal énorme. Mais dans la pratique, c'est loin d'être évident. C'est le fait non seulement des ressources, des organisations variées, du service de santé au travail, des employeurs, mais également du caractère humain des problématiques. Et c'est ce qui fait tout l'intérêt et la richesse de ce domaine.
Je vous propose donc d’explorer avec nos expertes la façon dont elles structurent leurs actions de maintien en emploi, tant au niveau individuel que collectif :
- Nous aborderons d'abord le démarrage de la prise en charge avec le repérage des salariés à risque ainsi que le signalement ;
- Puis, nous parlerons de la mise en place des actions de maintien en emploi et de leur suivi dans le temps ;
- Enfin, nous verrons comment nous pouvons passer de l'action individuelle à la prévention collective au niveau de l'entreprise.
Pour commencer, nous allons nous intéresser à la première étape de la prise en charge individuelle avec le repérage des salariés qui sont à risque.
Docteur Szwarc, est-ce que vous pourriez nous expliquer quand est-ce que vous considérez un salarié comme à risque de désinsertion professionnelle ? Et à quelle occasion repérez-vous en général ces salariés ?
Docteur Esther Szwarc
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Nous travaillons notamment avec les employeurs, qui sont sensibilisés à “Qu'est-ce qu'un salarié qui peut être à risque”. Ils ont donc la possibilité de nous adresser des salariés. Nous travaillons bien sûr au niveau du service avec l'ensemble des équipes : le médecin du travail, l'infirmier de santé au travail, l'assistant social, les conseillers en emploi, etc. que les salariés peuvent directement solliciter s'ils estiment qu'il y a un risque particulier.
Nous travaillons aussi beaucoup avec nos partenaires extérieurs, qui sont les médecins de soins, quelle que soit la spécialité, mais aussi avec les infirmiers de soins et éventuellement les kinésithérapeutes ainsi que toutes les professions médicales et paramédicales autour des services qui prennent en charge nos travailleurs afin qu’ils soient sensibilisés à ce risque et qu'ils puissent nous adresser des salariés.
Une fois que le salarié arrive au niveau de l'équipe, nous avons une évaluation médicale et nous avons différents critères qui nous permettent de déterminer le niveau de risque du salarié. Celui-ci va également dépendre de la situation, de l'entreprise dans laquelle il travaille, du secteur d'activité, de son niveau d'expérience et de sa formation initiale.
Nous déterminons alors si cette situation doit être prise en charge, comment, sur quelle durée et avec quels acteurs.
Alicia Gayout
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Docteur Escobar, nous avons parlé de sources comme les réseaux de soins et les employeurs qui peuvent faire des signalements. Il me semble que vous travaillez aussi beaucoup avec la Carsat et Cap emploi. Comment travaillez-vous avec ces partenaires qui vous envoient des salariés ?
Docteur Ana Escobar
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Nous avons commencé depuis longtemps à créer des liens et à créer un réseau avec différents partenaires. La première étape est de les connaître et de les rencontrer. C’est le cas notamment pour les assistantes sociales de la sécurité sociale et de nos partenaires comme Cap emploi. L’idée est de pouvoir avoir un dialogue ouvert et de créer directement des outils qui permettent des flux d’informations et des changements plus adaptées, rapides et efficaces.
Dans la sensibilisation que nous faisons, comme l’a dit ma collègue, à chaque fois que nous rencontrons un employeur, n'importe quel professionnel de notre service de prévention et de santé au travail doit avoir un discours de sensibilisation sur le maintien en emploi. Cela doit également être le cas sur nos missions et sur ce que nous pouvons faire, comme pour la visite de pré-reprise par exemple. Nous insistons aussi sur l'importance de la sensibilisation des salariés afin qu'il y ait une prise en charge précoce.
Les employeurs connaissent nos missions, donc quand ils voient qu’un salarié a des difficultés, ils ont le réflexe de faire une demande de visite pour que l’on puisse prendre en charge ce salarié. Quand un salarié est en arrêt, beaucoup d’entreprises continuent à avoir un contact avec ce salarié. Ils peuvent alors l’informer de cette visite de pré-reprise. Le salarié est donc sensibilisé et effectue de son propre chef la visite de pré-reprise.
La Carsat est le premier organisme qui reçoit tous ces arrêts. Ils peuvent donc nous faire des signalements et provoquer aussi des visites de pré-reprise. Nous essayons de faire en sorte que ces visites interviennent le plus tôt possible afin de commencer à déclencher des événements. Même si le salarié est en soins ou s’il a une pathologie, cela n'empêche pas de commencer à monter un dossier MDPH, d’expliquer ce qu’est le maintien en emploi et de présenter nos missions et nos partenaires. Avec mon expérience, je pense qu'il y a quand même besoin d’au moins 3 visites de pré-reprise afin que le salarié ait eu le temps de réfléchir. À la 1ère visite, il reçoit beaucoup d’informations, à la 2ème, il peut commencer les démarches et à la 3ème les actions peuvent commencer.
Alicia Gayout |
Merci Docteur Escobar pour ce partage d'expérience.
Madame Lefas, nous avons beaucoup parlé du rôle des employeurs. Est-ce que vous pouvez nous dire comment vous rendez-vous compte qu'un salarié est à risque et qui alertez-vous ? Aussi, quel processus avez-vous mis en place ?
Laëtitia Lefas
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Chez In’li, nous avons des activités de construction et de gestion de logements sociaux. Nous avons une population de 300 gardiens d'immeubles pour qui nous avons un plan de suivi rapproché puisqu'ils effectuent au quotidien des tâches physiques : sortie de containers, entretien des parties communes, etc.
Nous avons plusieurs dispositifs :
- Nous avons parlé des visites de pré-reprise.
- Nous avons un dispositif et une procédure de suivi des arrêts longue maladie. Nos responsables RH interviennent dès le premier mois d'arrêt pour échanger avec le collaborateur et déjà envisager la reprise et proposer d'organiser une visite de reprise avec le médecin du travail.
- Nous avons également un suivi très rapproché des restrictions médicales. Un gardien qui a une restriction médicale, c'est un risque d'inaptitude à moyen ou long terme. Dès que l'on a une restriction émise par le médecin du travail, nous allons travailler en direct avec le collaborateur et le médecin du travail pour essayer de faire en sorte, non pas de lever la restriction médicale, mais pour que le gardien puisse effectuer la tâche. Cela peut se traduire par un aménagement de poste ou un équipement particulier comme des tire-containers par exemple, pour éviter le port de charges.
Tout cela est vu, en lien avec la médecine du travail et en règle générale, nous mobilisons un de leur ergonome pour réaliser une étude de poste et pour prévoir les actions d'aménagement de poste et les équipements adaptés.
Alicia Gayout |
Merci beaucoup Madame Lefas.
Nous avons commencé à évoquer le sujet des actions mises en place.
Est-ce que Madame Messara, vous pouvez nous expliquer comment se passe, notamment côté service, la prise en charge en elle-même ? Quels sont les dispositifs que vous mobilisez ? Les partenaires ? Et aussi, comment arrivez-vous à suivre le projet sur le long terme, car il peut durer longtemps ?
Sabrina Messara
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Effectivement, il y a plein d'actions que nous mettons en place dans un service de prévention et de santé au travail.
La porte d'entrée, de manière générale, c'est en visite de pré-reprise lorsque le médecin du travail rencontre un salarié et l'oriente à la cellule de prévention de désinsertion professionnelle.
Dans ce cadre-là, nous prenons en charge le salarié qui est orienté vers la cellule. En équipe pluridisciplinaire, nous réfléchissons à un plan d'action, plus particulièrement, je vais vous parler d'un salarié qui était maçon. Il était en arrêt depuis plus d'un an, il a donc été orienté par le médecin du travail avec un risque d'inaptitude plus ou moins proche puisqu'il avait aussi des maladies professionnelles.
Le but était de réfléchir avec le salarié et de lui expliquer les différentes démarches. Avant toute chose, c’est lui expliquer ce que vous disiez tout à l’heure Docteur, la démarche vers la reconnaissance de qualité de travailleur handicapé qui permet d'ouvrir vers plusieurs dispositifs. Dans ce cadre-là, pour le maintenir et le faire réfléchir à un retour à l'emploi ou le maintenir dans l'emploi.
La première étape, c'est un travail avec les psychologues pour qu’il y ait une prise de conscience sur l’éventualité de ne plus exercer son métier. Cela prend du temps, il y a donc la temporalité aussi à prendre en compte dans ce cadre-là.
Lorsque nous prenons en charge un salarié, nous évaluons aussi sa situation sociale et professionnelle. “Quelles sont ses compétences ? Est-ce qu'il a des compétences transférables ?” Très souvent, ils font des activités à côté, que ce soit en tant que bénévole ou dans leur quotidien. Dans la maison aussi, certains bricolent, certains jardinent donc cela permet de pouvoir lever certains de leurs freins.
Nous devons leur expliquer qu’ils ne pourront peut-être plus exercer ce métier, mais nous allons réfléchir ensemble : “Comment, avec des compétences que vous avez au quotidien, nous pouvons travailler sur un projet professionnel ?”. Pour ce salarié, son premier frein était la barrière de la langue. Il avait presque 50 ans, c'est une personne qui est venue de l'étranger et qui a travaillé très jeune en France. Il s’est beaucoup investi dans son travail et n'a jamais eu d'arrêt de travail puisqu'il ne pensait qu'à travailler. L'enjeu était notamment financier. Nous devons donc prendre en compte la barrière de la langue, réfléchir avec lui dans ce cadre-là et faire le lien directement puisque c'est un salarié qui est en arrêt. Vous en parliez tout à l'heure avec la Carsat, mais pour nous c'est la Cramif en Île-de-France. Nous effectuons donc un travail de collaboration avec la Cramif. Pas plus tard qu'hier, j'ai rencontré une responsable départemental afin de pouvoir travailler ensemble et fluidifier cet accompagnement. Nous mettons aussi l’accent sur l'importance de la cohérence des discours entre chaque professionnel, puisqu'un salarié va voir le médecin du travail qui va lui dire certaines choses ou une assistante sociale en externe, mais aussi son médecin traitant. C'est important, on n'en parle pas souvent, notamment dans le cas d'une prise en charge avec le service social de la Cramif pour une remobilisation, donc une formation pendant qu'il est en arrêt. Nous avons pour cela besoin de l'accord du médecin traitant.
Il y a donc eu un travail avec le médecin traitant pour le sensibiliser à la démarche de la reconnaissance en qualité de travailleur handicapé, pour obtenir ce fameux certificat médical et aussi pour avoir son aval pour mettre en place cette action. C'est vraiment un lien avec le service social, avec le médecin du travail, pour réfléchir à ses compétences, à ce qu'il a la capacité de faire et non plus ce qu'il a la capacité de ne plus faire. Il faut être dans un discours très positif, puisque cela va entraîner le salarié car c'est lui qui est acteur de son projet et de son parcours. Il ne faut pas oublier cela, car nous avons tendance à beaucoup parler des acteurs, des partenaires, mais le salarié est au cœur du sujet et donc c'est lui qui est à même de savoir ce qu'il est en capacité de faire. Aussi, je le redis encore, la temporalité est importante, car ce sont des salariés qui sont en soins et il est essentiel de prendre ce facteur en compte.
Alicia Gayout
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Merci beaucoup Madame Messara.
Docteur Escobar, je crois que vous vouliez également nous partager un autre cas pour illustrer le maintien en emploi ?
Docteur Ana Escobar |
En effet, j’ai eu le cas d’un jeune de 39 ans qui n'était pas en arrêt et qui avait une maladie dégénérative neurologique. Étant poseur de fenêtres, il était compliqué pour lui de continuer à exercer son métier. Il avait fait des arrêts récurrents et court, donc je ne l'avais jamais vu en visite de reprise. Son employeur a vu la détérioration de ce salarié et c'est lui qui a tiré la sonnette d'alarme. Ce salarié est venu et nous avons fait une visite à la demande de l’employeur. J’ai tracé son poste de travail, ses expositions et il m'a fourni tous les éléments médicaux. À ce moment-là, j'ai expliqué au salarié qu'il était important de se faire traiter. Il mettait en danger sa propre vie et la vie de ses collègues, puisque c'était très difficile de se rendre sur le chantier, d’exercer son travail seul. Je lui ai expliqué tout ce que nous pouvions faire. Comme l’employeur était à l’origine de cette visite, il était déjà impliqué dans l'accompagnement de ce salarié. Le salarié s'est ensuite mis en arrêt-maladie. Il m’a dit “Je sais que mon employeur n'est pas le coupable de ma pathologie. S’il m’accompagne sur tout un processus de reconversion professionnelle, je ne peux qu’avoir une deuxième vie”. L'employeur s'est donc engagé et le salarié a été pris en charge par les assistantes sociales de la Sécurité Sociale.
Il a tout d’abord fait un bilan de compétences. L'employeur qui avait dans son réseau d’autres employeurs, lui a permis de faire un essai encadré dans une entreprise. Un essai encadré, c’est une mise en situation du salarié pendant 15 jours, où il peut découvrir un métier. Il a été accompagné par un tuteur et à la fin, il a fait un bilan sur son ressenti et sur ses difficultés. Il est toujours en arrêt et il touche ses indemnités, mais il peut être mis en situation sans être mis en danger. À la fin de cet essai encadré, il s’est dit : ”Avec mon bilan de compétences, je voudrais faire un métier qui est en lien avec ce que je faisais, poseur de fenêtres, mais qui est plus sédentaire”. Donc il a réfléchi et il s'est dit : “Je pense devenir dessinateur industriel”. Il a donc fait un stage de pré-orientation professionnelle dans un centre spécialisé et là, actuellement, il termine son cursus de dessinateur industriel.
Il a quitté son entreprise avec une rupture conventionnelle parce qu’il ne voulait pas impacter son employeur, car l’entreprise était en difficulté économique. Cela veut donc dire que s'il avait eu une inaptitude, l'entreprise aurait pu fermer.
Cela a été un engagement du salarié et de l'employeur qui lui a offert différentes possibilités, notamment avec la réalisation de son essai encadré.
Tous les acteurs se sont mis d'accord, et cet exemple est pour moi un bon exemple d’engagement.
Alicia Gayout |
Merci beaucoup Docteur Escobar pour cet exemple.
Est-ce que Madame Lefas et Docteur Szwarc vous voulez réagir également sur des actions ou le suivi des salariés en maintien ?
Docteur Esther Szwarc |
Ce qui peut être intéressant, et le Docteur Escobar l'a souligné, c'est d’arriver, pour les services de santé au travail, à suivre le devenir des salariés qui sont en inaptitude. C'est un véritable enjeu. Nous n'avons pas forcément les outils à disposition et la réglementation qui le permet. Il y a des régions qui avaient mis en place des observatoires d’inaptitudes et qui avaient prévu éventuellement de rappeler les salariés à 6 ou 18 mois pour suivre l’évolution. Nous avons beau mettre une inaptitude et ensuite se dire qu’il y a un essai encadré qui a été fait et que tout a été mis en place pour que les salariés retrouvent un travail, finalement, nous avons la surprise quelques années plus tard, de le revoir en visite sur le même poste de travail qu'il occupait initialement, mais dans une autre entreprise. On voit bien que le fait d'avoir cette absence de suivi pendant la période où le salarié est en état de suspens de suivi, nous laisse une sorte de trou dans la raquette. Pendant cette période, nous avons beaucoup de mal à suivre les effets des actions de prévention de la désinsertion professionnelle.
C'est peut-être quelque chose à discuter et à retravailler dans les services pour avoir un outil et des personnes qui sont en capacité de suivre cela.
Laëtitia Lefas |
Pour donner un exemple d'un autre acteur avec qui nous travaillons beaucoup et de plus en plus pour éviter justement les situations d'inaptitude, c'est Cap Emploi, toujours en lien avec la médecine du travail.
Nous pouvons avoir des situations de gardiens où la restriction est permanente et où le gardien ne peut plus effectuer de tâches physiques donc nous nous dirigeons vers une inaptitude. Cependant, nous avons la possibilité, en montant un dossier de reconnaissance de lourdeur du handicap, d'avoir des financements de la part de l’Agefiph et notamment de pouvoir lui permettre de le soulager au quotidien en faisant intervenir une personne extérieure qui effectuera pour lui une partie des tâches physiques. Cela permet le maintien en emploi sur une durée beaucoup plus longue et surtout d'éviter l’inaptitude.
Alicia Gayout |
Merci beaucoup.
Nous nous sommes concentrés sur le projet de maintien en emploi d’un salarié donné, mais dans une démarche de prévention, car nous sommes à Préventica, l'idée est de remonter de l'action individuelle à la prévention collective et d'intervenir beaucoup plus en amont.
Docteur Szwarc, est-ce que vous avez des exemples d'initiatives dans ce sens, des actions collectives que vous avez mises en place ? Et surtout, comment sélectionnez-vous les entreprises et les salariés à cibler sur l'ensemble de ceux que vous suivez ?
Docteur Esther Szwarc |
Il y a de nouveau différentes portes d'entrée dans ces actions collectives pour lutter contre la désinsertion professionnelle. Elles partent de l'aspect macroscopique qui est du diagnostic territorial et des données que l'on a au niveau épidémiologique. Ensuite, elles se déclinent au niveau des projets de services, dans les services de prévention et de santé au travail, mais également à l’intérieur de ces projets de services au sein même des équipes, en fonction du type d'entreprises qu’ils suivent.
Par exemple, on sait que le domaine médico-social est extrêmement en tension actuellement, avec des personnes qui arrivent en mi-carrière ou en tiers de carrière et qui sont abîmées et pour lesquelles il y a un véritable enjeu de maintien en emploi ou de prévention de la désinsertion professionnelle.
Au niveau de la région, il y a des actions qui sont mises en place pour aider les entreprises. Au niveau des projets de services, il y a une action qui est axée de prévention, notamment sur les troubles musculosquelettiques dans les établissements médico-sociaux ou des Ehpad par exemple.
Ensuite, au niveau des équipes, en fonction de nos effectifs, et notamment si on a par exemple des Ehpad à suivre, nous avons pour mission de décliner au niveau local, de faire une sorte de diagnostic au niveau de l'entreprise pour voir si cette entreprise est particulièrement à risque et s’il faut mettre en place ces actions de prévention. Nous sommes ici sur un point de vue vraiment collectif par rapport à des secteurs d'activité.
Au niveau de nos effectifs, grâce à des indicateurs que nous pouvons avoir, nous pouvons déterminer par exemple que dans une entreprise nous avons successivement trois ou quatre personnes vues en suivi, qui sont à fort risque de désinsertion professionnelle ou a fort risque d'inaptitude. “Que se passe-t-il dans cette entreprise ? Pourquoi est-ce qu'il y a ce risque particulier ?”
Nous devons ensuite décliner différentes actions collectives qui vont à la fois de la sensibilisation de l'employeur, dont nous avons parlé tout à l'heure, en passant par la sensibilisation collective des salariés : j'informe, j'explique ce qu’est la visite de pré-reprise aussi auprès des salariés, je leur explique qu’ils peuvent venir faire des visites, prendre attache avec nous. Nous participons également à l'évaluation du risque professionnel au niveau de l'entreprise. Nous sommes en soutien de l'employeur par rapport à cela, avec la fiche d'entreprise pour identifier d'autres risques et à partir de là, avec les équipes du pôle prévention, nous déclinons des actions de prévention qui vont être pour l'ensemble des risques, car l'ensemble des risques professionnels identifiés peuvent être source de désinsertion professionnelle à un moment donné. Cela va des troubles musculosquelettiques avec le port de charge ou la manipulation d'objets lourds dont vous parliez, en passant par le risque psycho-social et les troubles psychologiques qui en découlent, en allant sur le risque chimique avec éventuellement des asthmes professionnels ou des pathologies plus graves, qui sont en rapport avec le travail et qui ensuite donnent des nécessités de changer de poste ou de désinsertion professionnelle.
Je dirais que l'ensemble de notre action, et c'est pour cela que je pense que l'on a ajouté un “P” au service de santé au travail, pour que l’on axe nos actions collectives sur cette prévention et en particulier sur la prévention de la désinsertion professionnelle. À la fois en individuel avec les cellules, mais qui ont aussi un rôle de dépistage et de mise en place d'actions collectives dans les services.
Alicia Gayout
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Très clair, merci Docteur Szwarc.
Madame Lefas, côté employeur, est-ce que vous avez déjà bénéficié de telles actions collectives ou est ce que vous en aviez mises en place indépendamment du service ? Et notamment, est-ce que vous avez identifié des facteurs de succès de telles actions, tant au niveau de la direction, du management ou des collaborateurs ?
Laëtitia Lefas
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Je prendrais deux projets de prévention qui me tiennent à cœur au sein d’In’li, toujours pour nos gardiens.
Pour le premier plan de prévention, dans le cadre d'un document unique d'évaluation des risques professionnels (le DUERP), nous avons mis en place ce que l'on appelle des DUERP individualisés qui sont réalisés au niveau de chaque site immobilier, là où un gardien intervient. Chaque année, il y a une évaluation qui est faite avec le manager. Il y a vraiment un principe d'acculturation du manager à une logique de prévention de sécurité, avec une responsable RH et bien sûr avec le gardien. Le but est d’étudier l'ensemble de la configuration du site. “Est-ce qu'il y a des escaliers, des ascenseurs” ou “Comment procède-t-il pour le parcours de sortie des containers d'ordures ménagères ?”
Nous sommes alors sur des aspects de contraintes au niveau du site, mais également des aspects de santé du collaborateur qui sont abordés en intégrant les restrictions médicales qui ont pu être émises. Il découle de l'ensemble de ces documents uniques individualisés, un plan d'action et de prévention qui est revu chaque année avec la CSSCT et nous mettons en place à ce titre la mobilisation d'équipements supplémentaires, des formations sur les gestes et postures par exemple, pour l'ensemble des gardiens. Cela représente un certain nombre d'actions et de prévention, mais aussi des actions correctives plus individualisées et adaptées à chacun de ces gardiens.
Une autre action qui est importante pour nous, est l'évolution professionnelle de nos gardiens. Nous avons parlé de l'inaptitude, nous avons beaucoup de gardiens qui sont en risque d'inaptitude et de sortie liée à l’inaptitude donc si nous voulons travailler sur le maintien en emploi, nous devons aussi travailler sur l'évolution des compétences des gardiens. Nous avons un programme de détection et de formation pour accompagner les gardiens à évoluer sur des postes administratifs là où ils n’auront plus à effectuer des tâches physiques. Nous avons des promotions de responsable de site. Ce sont des postes administratifs qui interviennent sur nos sites immobiliers sur la partie plus administrative, en lien avec les locataires et sur lesquels nous pouvons mobiliser les gardiens.
Il faut également des compétences, une formation qualifiante, voire certifiante dans certains cas. Nous allons donc, en amont, travailler sur la détection des potentiels de nos gardiens avec les managers. Ensuite, nous allons évaluer leur capacité à pouvoir évoluer et nous les mobiliserons dans un programme de formation plutôt de longue durée, généralement, sur une année entière. Et enfin, il y a un processus d'évaluation et de confirmation d'une évolution professionnelle sur un poste administratif.
Alicia Gayout
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Merci beaucoup pour la présentation de ces deux initiatives.
Est-ce que Madame Messara ou Docteur Escobar, vous avez également des exemples d'actions collectives ?
Sabrina Messara
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En termes d'actions collectives, avec nos assistants sociaux ou psychologues, comme vous le disiez tout à l’heure Docteur, nous allons partir sur un diagnostic de terrain.
Plus nous aurons de demandes et de besoins individuels et plus nous allons pouvoir réfléchir à des actions collectives, notamment sur la sensibilisation à la reconnaissance en qualité de travailleurs handicapés, aussi bien en entreprise qu'auprès des salariés.
Nous allons également faire le lien avec Cap emploi et voir comment nous pouvons intervenir, quelles actions nous pouvons mettre en place de manière intelligente et collective.
Ce qui est important, c'est de pouvoir mener des actions ensemble, dans l'intérêt des entreprises adhérentes et de leurs salariés.
Par rapport à l'exemple de suivi que j'évoquais tout à l'heure, le salarié maçon a donc fait sa formation de français, ce qui lui a permis de reprendre confiance en lui. Il y a eu un relais qui s'est fait avec le service social de la Cramif pour réfléchir à sa formation professionnelle en tant qu'ouvrier paysagiste. Comme je vous le disais, il avait cette passion du jardinage et de dépanner sa famille de temps en temps. Il a donc été accompagné dans cette formation. Il a ensuite été embauché au sein d'une collectivité à temps partiel et il percevait une pension d’invalidité en complément. Il s’agit donc d’une belle réussite. Nous parlions du suivi, ce qui est important dans ce cadre là, c’est de se mettre en lien avec les acteurs. Nous avons pu notamment faire le lien avec le centre de formation pour adapter les horaires et étendre sa formation sur plusieurs semaines, car il ne pouvait pas rester assis toute une journée sur sa chaise.
Nous essayons de sensibiliser toutes les entreprises. Ce n'est pas toujours évident quand nous avons beaucoup d'entreprises adhérentes, mais nous partons sur le constat de terrain. Nous avons aussi des entreprises qui nous sollicitent pour pouvoir les accompagner dans leurs différents projets en interne
Alicia Gayout
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De la même façon pour certaines entreprises, nous pouvons intervenir pour qu’elles nous repèrent comme des acteurs dans le maintien en emploi. Nous intervenons avec les assistantes sociales de la Sécurité Sociale et Cap emploi pour organiser des journées de sensibilisation sur les missions de chaque partenaire en leur expliquant comment nous allons accompagner les salariés dans le maintien en emploi.
Par exemple, dans une entreprise, nous avons vu qu’au bout de quinze ans certains salariés étrangers avaient des difficultés, surtout à la campagne, où sans permis de conduire nous sommes un peu handicapés.
Nous avons essayé de faire comprendre à l'employeur qu’il fallait qu'il accompagne ses salariés sur des cours de français et de permis de conduire pour que les salariés puissent se projeter sur autre chose. C’était impossible pour eux d’aller plus loin sans être mobile ou à cause de la barrière de la langue.
L'employeur a compris cela et il a proposé des cours de français avec des aides spécifiques, mais également de passer le permis de conduire pour ceux qui le souhaitaient, sur le principe du volontariat. Cela a aidé beaucoup de salariés à pouvoir se projeter et ils sont même allés plus loin en faisant un bilan de compétences.
Le processus est lent, ce sont des sensibilisations qui sont réalisées au quotidien. Le but est d’avoir tous le même discours et de former une seule et même entité dans le maintien en emploi. Nous ne sommes pas des partenaires qui travaillent chacun de leur côté. Nous sommes tous dans le même bateau et nous essayons d’aller vers la même direction.
Alicia Gayout
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Merci à toutes pour tous les éléments que vous nous avez partagés. C'était un peu court malheureusement, parce que le sujet est vaste.
En conclusion, et pour retenir l’essentiel, nous avons échangé sur le repérage et le signalement entre partenaires : avec les réseaux de soins, avec l'employeur, avec la Carsat ou Cap emploi et nous avons également discuté de la prise en charge coordonnée afin que tous les acteurs aient le même discours. Sur les actions, nous avons également évoqué l’ensemble des possibilités existantes, en matière d’aides pour l'employeur, d’aides pour les salariés, de bilan de compétences et de découvrir le potentiel des salariés et de les aider à se projeter. L’employeur peut contribuer à ces actions par la formation pour faire épanouir le potentiel de ses salariés. L’action collective va se nourrir de ces exemples individuels pour remonter et essayer d'arriver bien plus en amont, pour soigner les problèmes à la source.